Changer de paradigme : La transition des programmes de bien-être vers les formations en compétences de résilience

  • Le monde de la formation et du développement (L&D) évolue vers des approches fondées sur les compétences, ce que nous soutenons pleinement.
  • Nous pensons que l’accent mis sur les compétences de résilience peut aider à surmonter certains des défis croissants auxquels sont confrontés les responsables du bien-être, ainsi que remplacer les interventions inefficaces en matière de bien-être.
  • L’utilisation des compétences de résilience est efficace, précise, pertinente et responsabilisante. Elle correspond tout à fait à l’orientation que prend la formation aux compétences sur les lieux de travail modernes.

Un changement axé sur les compétences

L’expression « les compétences d’abord » est de plus en plus utilisée par un large éventail d’organisations des secteurs privé et public pour décrire une nouvelle approche de la gestion des talents qui met l’accent sur les aptitudes et les compétences d’une personne – plutôt que sur les diplômes, les antécédents professionnels ou les titres de poste – pour tout ce qui concerne l’attraction, l’embauche, le développement et le redéploiement des talents ».

Forum économique mondial, 20231

Le monde de la formation est en pleine mutation. On passe d’une approche basée sur le rôle ou le titre à une approche basée sur le développement des talents ou des compétences. Cette évolution est le fruit de plusieurs tendances clés, notamment :

  • Le développement de l’économie de la connaissance : L’évolution des économies du monde entier vers des économies fondées sur la connaissance et les services a entraîné une augmentation de la demande d’un plus large éventail de compétences générales et techniques.
  • Un rythme de changement accéléré : Le rythme rapide de l’innovation technologique nécessite un apprentissage et une adaptation continus. Les compétences qui étaient pertinentes il y a dix ans peuvent ne plus être suffisantes aujourd’hui.
  • L’engagement des employés : La course aux talents signifie que l’offre de possibilités d’apprentissage et de perfectionnement est un aspect crucial de la rétention des talents.

Ce changement a eu un impact significatif sur les entreprises qui l’ont mis en œuvre. Elle a permis d’améliorer l’engagement, les performances et la flexibilité. A titre d’exemple, une étude du Corporate Executive Board a montré que le fait d’offrir des possibilités de développement de carrière (dont la formation axée sur les compétences est un élément essentiel)  augmente l’engagement des salariés de 29 %.2 Une étude menée par Deloitte a révélé que les organisations qui privilégient une culture axée sur les compétences ont 63 % plus de chances d’obtenir des résultats positifs dans 11 domaines clés de l’activité et des ressources humaines.3

Cette évolution a également donné lieu à des innovations et à des développements majeurs en matière d’apprentissage et de culture sur le lieu de travail :

  • Parcours de formation personnalisés : Les expériences d’apprentissage individualisées et adaptatives, qui répondent aux compétences et aux rythmes d’apprentissage uniques des employés, sont de plus en plus nombreuses. Cette approche aide les employés à développer les compétences spécifiques dont ils ont besoin pour leur rôle et à s’adapter aux changements futurs.
  • Recrutement et promotion fondés sur les aptitudes et les compétences : Les organisations valorisent de plus en plus les aptitudes et les compétences par rapport aux qualifications traditionnelles, telles que les diplômes et l’expérience professionnelle. Cette évolution a eu un impact sur les pratiques de recrutement, qui mettent de plus en plus l’accent sur l’évaluation des aptitudes et les entretiens basés sur les compétences.
  • Culture de la formation continue : L’accent est davantage mis sur la promotion d’une culture de la formation continue au sein des organisations. Les employés ont de plus en plus souvent l’occasion d’acquérir de nouvelles compétences et connaissances, ce qui montre qu’ils comprennent que l’apprentissage est un processus qui dure toute la vie.4

Chez Awaris, nous pensons qu’une évolution similaire vers l’apprentissage continu est également nécessaire dans le monde du bien-être. Cette évolution permettra de remédier à la détérioration du bien-être sur le lieu de travail et à l’inefficacité des programmes de bien-être actuels. 

Acquérir des compétences en matière de résilience

Nous avons identifié une série de compétences de résilience qui peuvent changer la donne en matière de bien-être au travail. Ces compétences peuvent nous aider à transformer nos états et à réguler nos niveaux de stress, en nous aidant à naviguer dans notre paysage interne. Lorsque nous parlons de « compétences », nous faisons référence à des comportements ou à des actions spécifiques appris que les individus peuvent exécuter avec un certain degré de maîtrise. Elles sont souvent acquises par la formation, la pratique ou l’expérience. Les compétences de résilience sont généralement mesurables et observables, et les individus les maîtrisent à des degrés divers.

Nous pensons qu’une approche de la résilience basée sur les compétences présente plusieurs avantages. Le premier est qu’elle est efficace pour réduire le stress perçu. Lorsqu’il s’agit de savoir à quel point on se sent stressé, l’application des compétences de résilience est plus importante que les facteurs de stress auxquels on est réellement exposé (jusqu’à un certain point, comme nous l’avons expliqué dans un précédent article). Nos données, recueillies auprès de plus de 2 000 employés, montrent que les compétences de résilience représentent 40 % de la variation du stress perçu par la population interrogée (voir graphique ci-dessous). En revanche, les facteurs de stress subis (tels qu’une charge de travail élevée ou la prise en charge d’un membre de la famille) n’expliquent que 18 % de la variance du stress perçu.

Deuxièmement, les compétences de résilience peuvent être évaluées et entraînées. Il est possible d’évaluer la répartition des compétences chez un grand nombre de personnes. Il est possible de voir quelles compétences sont largement acquises parmi les employés et où il y a des lacunes. Il est également possible de comprendre quelles sont les compétences qui ont le plus d’impact sur les résultats. Sur la base de ces évaluations, il est possible de procéder à un perfectionnement à grande échelle, ce que nous avons déjà fait avec certains de nos partenaires.

Enfin, les compétences de résilience peuvent être ciblées. Les compétences sont plus faciles à définir et à cibler que le vaste état de « bien-être ». Dans la définition peu précise qui fait de la résilience l’aptitude d’une personne à supporter la souffrance, il n’y a pas de méthode réaliste pour juger si cette personne est capable de relever un défi ou non. On peut simplement espérer qu’elle saura faire preuve de patience et d’endurance. Il est en revanche possible de définir clairement les compétences de résilience d’une personne et d’en cerner ses limites. Par exemple, quelqu’un peut faire de l’exercice régulièrement, ce qui contribue à sa résilience sur le lieu de travail, mais ce qui ne signifie pas automatiquement qu’elle peut courir un marathon. Dans le monde de compétences, nous pouvons donc aussi avoir une idée raisonnable de leurs limites.

L’adaptabilité des compétences de résilience

Outre ces avantages, notre travail sur les compétences de résilience nous a permis de découvrir d’autres aspects. Les compétences de résilience ont une pertinence spécifique. Cela signifie que les compétences de résilience les plus pertinentes peuvent être ciblées en fonction du type de stress subi par les employés. Par exemple, lorsque les personnes sont confrontées à un stress lié à la charge de travail, le respect de d’habitudes saines de l’esprit et du corps, comme le mouvement, le repos et le sommeil, et la nutrition, a un impact positif important sur la lutte contre le stress. En revanche, lorsque les personnes sont confrontées au stress du changement, de l’ambiguïté ou de la déconnexion, les compétences socio-émotionnelles sont plus efficaces.

Différentes professions requièrent des capacités de résilience différentes. Par exemple, le travail dans le secteur juridique est marqué par un degré élevé de perfectionnisme et de pensées négatives. C’est donc en mettant l’accent sur l’autocompassion, l’attention et une vision positive que l’on a le mieux réussi à changer la donne en matière de résilience au sein de cette population. Les équipes d’ingénieurs sont soumises à une charge de travail élevée et à une forte pression temporelle. Par conséquent, les compétences en matière de régulation de l’attention ont eu le plus grand impact sur la résilience et le stress perçu. Une approche basée sur les compétences nous permet de concevoir les interventions les plus efficaces pour les défis uniques auxquels chaque profession est confrontée.

Enfin, une approche fondée sur les compétences de résilience peut être utilisée pour comprendre le profil de stress d’un type de travail. Elle peut aider ceux qui occupent ce poste à voir comment leur profil de compétences correspond au profil des facteurs de stress de ce poste, et ce sur quoi ils doivent travailler. Dans l’ensemble, nous pensons que notre approche des compétences de résilience est efficace, précise, pertinente et responsabilisante. Et elle est tout à fait conforme à l’orientation que prend la formation aux compétences dans les lieux de travail modernes.

Combler les lacunes des approches fondées sur le bien-être

Pendant les années de pandémie, de nombreuses entreprises ont investi massivement dans le bien-être au travail. Elles ont offert un niveau de soutien admirable à leurs employés. Mais cela n’a pas duré. Nous assistons actuellement à une baisse significative des investissements dans le bien-être dans différents secteurs et industries, les responsables financiers posant des questions difficiles sur le rendement des investissements dans le bien-être. Dans le même temps, les services chargés du bien-être sont confrontés à deux autres défis. Tout d’abord, ils doivent s’occuper du nombre croissant de personnes souffrant de stress et de problèmes de santé mentale. D’autre part, l’émergence de défis plus récents en matière de bien-être : l’isolement social, l’anxiété financière, la baisse du sentiment d’appartenance, le deuil, la ménopause ou la santé des femmes sont autant de problèmes qui ont été mis à l’ordre du jour de nombreux services de bien-être. Ces défis combinés pèsent sur les budgets et rendent plus difficile l’investissement dans la prévention plutôt que dans la guérison

Nous sommes convaincus qu’une approche basée sur les compétences de résilience peut contribuer à relever tous ces défis. Tout d’abord, les compétences ont un bien meilleur retour sur investissement que la plupart des autres interventions en faveur du bien-être. De nombreuses méta-analyses sur le bien-être montrent que les mesures modulaires et individualisées d’acquisition de compétences sont parmi les plus efficaces pour améliorer les résultats en matière de bien-être.5 L’acquisition de compétences fonctionne, car l’analyse coût-bénéfice peut être évaluée. Par exemple, un rapport de Deloitte a montré que l’investissement dans la formation des compétences a l’un des meilleurs retours sur investissement pour les résultats en matière de bien-être (voir le graphique ci-dessous).6 La formation aux compétences a un retour sur investissement élevé parce qu’elle est fondamentale, et qu’elle permet d’acquérir des compétences de base qui peuvent être appliquées dans différentes situations.

Deuxièmement, les compétences de résilience sont fondamentales. Cela signifie qu’elles peuvent servir de base pour faire face à des défis dans d’autres domaines de votre vie et de votre travail. Par exemple, la pandémie et les années qui ont suivi ont entraîné une hausse du coût du logement et de la vie, aggravée par la guerre en Ukraine. Cette situation a plongé de nombreuses personnes dans l’insécurité financière. Dans ce cas, les personnes peuvent bénéficier d’un soutien spécifique au contexte, notamment de conseils financiers avisés. Mais les compétences de résilience que sont la régulation émotionnelle, l’attitude positive et les liens avec les autres feront également une grande différence. Ces compétences ne résoudront pas vos problèmes financiers. Mais ces compétences peuvent vous soutenir contre l’anxiété qu’ils provoquent. Elles peuvent vous aider à surmonter l’agitation intérieure causée par les soucis financiers.

De la même manière, examinons plus en détail la crise d’appartenance. De nombreuses entreprises se sont concentrées sur la santé et la sécurité physiques pendant la pandémie, en veillant à ce que le travail de base se poursuive. Mais nombre d’entre elles ne pouvaient tout simplement pas prévoir les dommages causés au tissu social de leurs équipes et à l’ensemble de l’entreprise par les confinements et par la généralisation du télétravail. Cette situation a eu des répercussions considérables sur de nombreux aspects de la vie des gens. Elle a également contribué au manque d’engagement des salariés et à l’augmentation des démissions silencieuses, où les travailleurs font le minimum pour conserver leur emploi.

Pour s’attaquer à ces tendances, il faudra investir et consacrer du temps à la reconstruction du tissu social du travail. Le meilleur moyen d’y parvenir est de mettre en pratique les compétences en matière de lien social et d’attention. Passer du temps avec les autres. Se sentir connecté. Parler et se connecter sur des sujets qui tiennent à cœur et à l’esprit. Lorsque les individus, les équipes et les dirigeants investissent du temps et des efforts dans leurs relations sociales et se soucient les uns des autres, le tissu social d’une organisation se reconstruit, brique par brique. Les compétences fondamentales de résilience que sont les liens sociaux et l’attention peuvent également aider à relever les défis de l’appartenance. Chaque fois qu’un nouveau défi se présente, il est possible de comprendre quelles compétences fondamentales de résilience seront utiles.

Enfin, l’efficacité des capacités de résilience a une limite claire. En d’autres termes, les compétences de résilience échouent lorsque les travailleurs sont confrontés à un trop grand nombre de facteurs de stress. Notre approche admet que les travailleurs ne seront pas en mesure de maintenir leur résilience lorsque la charge de stress est trop élevée. Ce point est crucial. Environ 60 à 80 % des problèmes d’épuisement professionnel et de rétention des employés sont dus à une charge de stress toxique. Une approche préventive n’est d’aucune utilité lorsque la charge de stress est toxique. Des interventions à l’échelle de l’organisation doivent être appliquées ici, afin de s’assurer que les travailleurs ne sont pas confrontés à un niveau de stress toxique. Ce défi doit être clairement identifié au sein des départements, avec des responsabilités délimitées. Dans ce contexte, nous pensons qu’une approche basée sur les compétences de résilience permettra de relever de nombreux défis auxquels les individus et les responsables de la QVT sont confrontés pour faire face aux facteurs de stress actuels. C’est pourquoi nos programmes sont, et seront toujours, fermement basés sur les approches de développement des compétences.

Sources d’information

1 « Les compétences d’abord : Un cadre d’action », Forum économique mondial, 2 mai 2023

2 Corporate Executive Board

3 Sue Cantrell, Michael Griffiths, Robin Jones, and Julia Hiipakka, ‘The skills-based organization: A new operating model for work and the workforce’, Deloitte, September 8, 2022

4 Ibid.

5 Joep van Agteren, Matthew Iasiello, Laura Lo, Jonothan Bartholomaeus, Zoe Kopsaftis, Marrisa Carey, and Mochael Kyrios (2021), ‘A systematic review and meta-analysis of psychological interventions to improve mental wellbeing’, Nature Human Behaviour, 5 (April), p631–52

6 « Santé mentale et bien-être sur le lieu de travail », Deloitte, September 2022

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